mercredi 31 août 2011

Carpe diem

"Cueillir le jour", pour tenter de comprendre le Cambodge, il faut d'abord ne jamais perdre de vue cette maxime.
Prévoir, programmer, planifier, sont des verbes qui sont à peu près absents du vocabulaire cambodgien. Et si pour eux rien n'est grave car tout se résoud (ce qui est la majeure partie du temps vrai) (ou pas!)  pour nous occidentaux, c'est parfois un peu difficile à intégrer. Même après quelques séjours au Cambodge.
Ainsi de l'organisation des consultations à l'association des dentistes.
J'ai repris les roulements à cette association trouvée l'an dernier "Poids plume d'Asie" qui offre gratuitement des soins dentaires aux enfants démunis. Depuis, plusieurs bénévoles ont poursuivi les visites, mais certains enfants n'avaient pas encore consulté, d'autres sont arrivés entretemps et enfin beaucoup avaient besoin d'y retourner.
Sauf que l'association avait changé de locaux et que je n'avais pas la nouvelle adresse. Mais bien sur le téléphone... après plusieurs essais infructueux, j'ai laissé tomber. Un matin, je suis allée à l'ancien dispensaire et après une recherche digne d'une enquête policière, questionnant motodops et tucks tucks je suis parvenue à les retrouver pour prendre rendez vous pour 8 enfants.
Suit alors un marathon énergivore...
La veille, faire la liste des enfants.
Ne surtout pas oublier de donner le double au directeur.
En écrire une aussi pour les dentistes avec le vrai nom des jeunes, qui ont pour la plupart un surnom (et les plus petits ne savent pas écrire leur vrai nom autrement qu'en kmer) et horreur, leur date de naissance, et là c'est tout de suite beaucoup beaucoup plus compliqué.
Prévenir chaque enfant et leur demander de se laver les dents avant.
Le jour dit, départ à 6h45 de la guest house, pour trouver deux tucks tucks qui seront assez malins pour ne pas se perdre en route (tâche vouée à l'échec)
Négocier le prix d'un aller à l'orphelinat, (première explication déjà bien ardue) puis d'un retour rue 430, à l'autre bout de Phnom Penh, c'est à dire qu'il faut traverser la ville dans toute sa longueur à l'heure de pointe...
Arrivée déjà bien suante et poussiéreuse à l'orphelinat à 7h sonné.
Courir après les enfants qui ont soit oublié, soit ne sont pas prêts, soit ne veulent plus venir, soit sont partis à l'école.
En emmener 12 au lieu de 8, et pas ceux prévus la veille.
Trop tard ! plus le temps de leur faire laver les dents.
Repartir vers 7h30 pour une bonne demi heure de tucks tucks, en principe, car forcément ils se perdent, s'arrêtent pour demander leur chemin, et quand on leur tend la carte, la prennent à l'envers en disant "Yes I know".
S'énerver un peu quand même et finir avec la carte à hurler les directions à prendre, pour couvrir les bruits de la rue.
Parvenir vers 8h30, encore plus suante et poussiéreuse chez les dentistes et écrire une nouvelle liste avec le vrai nom des enfants et leurs dates de naissance (ce qui est souvent à ce moment là de "l'a peu près")  puisque la liste faite la veille n'est plus bonne.
Et enfin s'assoir et attendre, attendre, attendre, des dizaines d'enfants de dizaines d'orphelinat sont là il faut alors ruser pour passer de la salle d'attente extérieur aux chaises à l'intérieur, et là c'est gagné on ne lache plus le fauteuil et on fait suivre les enfants!
Ce matin là, seuls 2 fauteuils sur 4 fonctionnaient mais loin de s'en trouver perturbés, les dentistes et assistantes ont pris leur manuel, leur tournevis et se sont transformés en mécano-bricolo.
Bon au moins un a été réparé avant notre départ à 12h ! 
 
 
La douce Srey Phal, nounou Srey qui a tenu à m'accompagner, merveilleuse nounou Srey ! et Sokhim le courageux resté une heure sur le fauteuil sans un gémissement.
 Allez on recommence la semaine prochaine...

lundi 29 août 2011

Quai des brunes


Le quai Sisowath borde le Tonlé Sap sur une grande partie de Phnom Penh. Cette longue artère part du pont japonais, au nord de la ville et suit le fleuve jusqu'à sa rencontre avec le Mékong et le Bassac, formant alors ce que l'on nomme, le X de Phnom Penh. L'aménagement de la berge a laissé un vaste espace piétonnier où se cotoient enfants des rues, marchandes de cacahuètes, touristes, amateurs de jeux, ou famille en quête de ballade. Un port, des boutiques, des restaurants, le palais royal, les grands hotels, se trouvent ici, le pauvre et le riche, l'oisif et l'affairé s'y croisent, sans pourtant s'ignorer.
Ce quai appartient aux cambodgiens, même si le tourisme y a fait une large intrusion. Il est à l'image de cette ville, une mixité tranquille.
Le matin l'activité commence de bonne heure. Dès 6 heures, ce sont des dizaines de personnes (des centaines sur la longueur du quai...) qui envahissent les berges, marchant, courant, pédalant leurs abdominaux, des femmes (toutes brunes hahaha !) par groupes qui papotent, des personnes de tout âge levant la jambe en cadence pour leur séance d'aérobic.
 les pêcheurs ont déjà préparé leurs filets,
les petites filles  se réveillent,
et si par hasard on peut croiser quelques étrangers, l'heure est aux kmers.
L'après midi, les installations de gym, construites l'an dernier, font le plein,
Le soir, les bars rassemblent les touristes ou expatriés profitant des "happy hours". Les consommations de bière et de cocktail à mi tarif sont évidemment une offre alléchante pour les fatigués de la ville. Quand on a couru de musées en marchés, aux heures les plus chaudes, ou travaillé dans des bureaux même climatisés (quand les kmers font en toute bonne logique la sieste), c'est juste un "p'tit-moment-bonheur" de venir s'affaler dans les sièges rembourrés des bars du quai.
Mais ce "p'tit-moment-de-bonheur" a sa contrepartie. Se retrouvent alors autour des cafés à occidentaux, tous les mutilés, les handicapés, les enfants des rues, pour vendre cartes postales, livres en toutes les langues sur l'horreur des kmers rouges, bracelets, lunettes de soleil, etc...Ce n'est jamais de la mendicité agressive et gratuite, chacun essaie de convaincre de l'intéret de son bouquin, de l'originalité de ses cartes postales, et on discute, on regarde, et on sourit, toujours, on sourit. Et parfois, on se laisse convaincre.
C'est bon j'ai ma collection complète de cartes postales, j'ai déjà lu tous les livres, et les petites filles de l'orphelinat arborent de jolis bracelets colorés à leurs poignets.
Je peux maintenant savourer ma bière en toute tranquillité...

samedi 27 août 2011

Des pâtes oui mais des pâtes de riz !

Allez juste un petit post, rien que pour le titre! Vous avez remarqué, j'espère, la finesse de mes accroches, c'est qu’c'est difficile de faire un titre alléchant. Pour vous donner l'envie de lire, vous appâter suffisamment pour vous garder quelques minutes devant votre ordinateur. Je me creuse la cervelle, je me remue les méninges, je me secoue le ciboulot, d’accord certaine fois c’est pas vraiment réussi, voire même un peu tiré par les cheveux! Il y a la fatigue, la chaleur, ou juste comment dire, le trou, le vide, le p'tit vélo dans la tête qui descend en roue libre...Mais là je pouvais pas le louper.
Aller passons au sujet, les pâtes...
Ce matin un couple franco kmer, est arrivé à l'orphelinat, avec une énorme marmite de pâtes chinoises, un saladier de pousses de soja et cinq caisses de ramboutans, ces fruits rouges et poilus qui ont le goût du litchi. Il était accompagné par un ancien orphelin de Kien Kleang qui a « réussi ». Resté une vingtaine d’années à l’orphelinat et certainement pas à la meilleure période, il est âgé aujourd’hui de 40 ans environ. Il est le "boss" d’une grosse affaire florissante de ventes de parfums et produits de beauté, avec deux boutiques, une au centre ville de Phnom Penh, une autre à l’aéroport.
Ces visites là, d’anciens orphelins sortis la tête haute ont l’avantage, hormis l’aspect purement matériel de l’apport de dons de donner un peu d’espoir aux jeunes, de leur dire «  Yes, you can ! »
Le repas des enfants était déjà cuit, un bouillon bien épicé avec des liserons d'eau, et en quelques minutes, tout l'orphelinat avait attrapé un bol en plastique et des baguettes (amenés avec la marmite).
A la distribution la femme du directeur, la nounou Com, Visna, et nounou Srey.
Une véritable aubaine, les portions doubles n'ont fait peur à personne, ni aux garçons, installés au plus près du rabe à venir...


ni aux filles, petites et grandes,


Puis chacun a reçu un paquet de ramboutans empaquetés en un temps record en sachet indivuel, avec un billet de 5000 riels, ( un peu plus d'un dollar) offert par l'ex pensionnaire...le directeur prenant les photos avec lesquelles il se gargarisera auprès "desautorités" (entité nébuleuse invisible dont on murmure le nom avec respect et crainte).
Et alors c'est là que le ciel m'est tombé sur la tête, le directeur, oui lui même, m'a invité à prendre une assiette et a ordonné à sa femme de me servir une bonne part de pâtes chinoises, des pâtes oui mais des pâtes de riz! J'ai partagé l'assiette avec nounou Srey, et  je m'étonnais d'y trouver de jolies petites fleurs jaunes que j'ai joyeusement mangé. Elle m'a expliqué que pour agrémenter le repas, les enfants avaient été les cueillir dans le marigot...près du bidonville...Oups ! je me disais bien aussi que le directeur ne me voulait pas de bien.
 Ps: Finalement j'ai très bien digéré, les fleurs du marigot étaient délicieuses. Et comme disait ma grand mère, lorraine d'origine, c'est sur les tas de fumier que poussent les plus belles fleurs !

jeudi 25 août 2011

Y'a d'la tension dans l'air

Ce matin, en arrivant à l'orphelinat, je sens comme une tension dans l'air...
Entrée dans la cour, j'aperçois un câble à terre, un de ces gros câbles électriques qui font les photos rigolotes quand on est dans un pays comme le Cambodge.
Vous savez, ces incroyables paquets de fils qui traversent les routes, longent les maisons, s'enchevêtrent aux carrefours et finissent en noeuds que même un marin aguerri ne parviendrait pas à démêler. Ben là franchement ça m'a pas fait rire du tout.

Un violent orage pendant la nuit a fait courtcircuiter la ligne qui passe dans l'orphelinat, le poteau est juste derrière le mur, du coté des sanitaires, proche des chambres des grandes filles.
 A 2 heures du matin, les enfants et les nounous réveillés en sursaut ont vu brusquement les flammes monter le long du pylône, ravager rapidement l'amas de fils dans un fracas d'explosion. Nounou Srey a alerté les "autorités" numéro d'urgence qu'elle peut joindre "en cas de"...sauf qu'elle a du téléphoner deux fois, "en cas de" ne répondait pas. Tous se sont rassemblés dans la cour de l'autre coté, là où se trouve l'orphelinat de l'association Cambodge Enfance Développement. En attendant...les pompiers sont arrivés près d'une heure plus tard. Le feu aura eu le temps de brûler suffisamment les fils pour qu'ils tombent sur le toit de l'auvent des sanitaires, perforant la tôle ondulée.
Je vous laisse imaginer la terreur des enfants, des personnes handicapés qui vivent là, des nounous, seuls dans l'obscurité, démunis de tout moyen d'intervention. Les plus grands ont fait semblant de ne pas trembler et ont pris en charge les plus jeunes, et quand enfin ils ont pu regagner leurs lits, aucun n'a réussi à s'endormir.
Pourtant dès le lever du jour, les enfants ont repris leur quotidien
Voire certains seraient même tenter de bricoler un peu...
A midi les électriciens avaient terminé l'enlèvement des lignes qui traînaient, sous les regards curieux.
le camion de "l'électricité du Cambodge"
L'électricité est bien sur coupé, personne n'a pu nous dire combien de temps il faudra pour remettre le courant.  Le directeur, quant à lui, ne s'est pas dérangé pendant la nuit, il est arrivé à son heure habituel, très ennuyé par le trou dans le toit des sanitaires.
En France, on aurait immédiatement dépêché une "cellule de crise". Ici, dans la matinée, chacun racontait "sa" nuit, encore et encore, mimant ses peurs, se moquant de soi même et des autres, évacuant l'angoisse par la parole et les rires. Seuls les yeux rougis témoignaient des pleurs de cette nuit sans sommeil.













mercredi 24 août 2011

Cent patates !

Cent patates, ou plutôt cent kilos de riz...
Ce matin, je suis allée près du marché central et j'ai acheté cent kilos de riz pour le village de Titte. Du bon riz, pas de la brisure comme ils ont l'habitude.
Parce que mes nuits sont parfois difficiles, parce que le père de Titte m'a dit qu'il ne gagnait pas de quoi acheter le kilo de riz nécessaire à nourrir sa famille (soit environ 0,80 dollars). Et parce que je me suis dit que soigner c'est bien mais donner à manger c'est bien aussi
En langue kmer, le verbe manger se traduit par "manger du riz". Gniam baï. Effectivement un repas au Cambodge ne se conçoit pas sans riz, matin, midi, soir, et à toute heure du jour. Et même lorsque nounou Srey se démène aux fourneaux pour cuisiner les désormais "fameuses-spagetthis-de-nounou-Srey", on n'échappe pas à l'assiette de riz. C'est l'aliment de base, l'aliment de vie, peut être comme le fut le pain chez nous il y a pas encore si longtemps.
Pas encore assez "pratiquante", je n'ai pas osé le motodop,  je suis arrivée en tuck tuck. Je n'aurais jamais cru que le tuck tuck pourrait circuler dans le petit chemin cahoteux et caillouteux du village, mais il n'avait pas plu depuis la veille et c'était sans compter sur l'habilité du chauffeur. Aussitôt débarqués mes deux sacs de 50 kgs, les enfants et les femmes sont rapidement arrivés avec leur cuvette plastique. Malgré le peu de pluie des derniers jours, les cahutes les plus en aval du terrain sont inondées et les familles ont du se reloger une nouvelle fois, ramassant leurs maigres affaires et reconstruisant de bric et de broc un peu plus haut.

 Le chef du village n'était pas là et rien ne se décide sans lui, alors on attendu.

  
 J'en profite pour shampoigner, bétadiner, pommader à tout va.
Titte, ma préférence à moi...



Lorsque le chef du village arrive enfin, (il serait policier d'après ce que j'ai pu comprendre) une balance surgit miraculeusement,
une liste de noms est apportée et la distribution
commence.
Le riz est réparti entre les 23 familles, soit 4 kgs à chacune, pas un gramme de plus ni de moins. La répartition est équitable. Le reste est redistribué aux familles ayant le plus d'enfants.
J'avais bien en tête ce proverbe chinois qui dis :
" Si tu veux aider un homme pour un jour, donne-lui à manger ; Si tu veux aider un homme toute sa vie, apprends-lui à pêcher".
Mais là tout de suite j'avais pas la canne à pêche.

mardi 23 août 2011

J'y ai vu qu'du feu

Cet après midi, il y avait de l'animation devant chez nounou Srey. Sokhim faisait le guet au coin du pavillon pendant qu'un petit groupe s'agitait au fond de la cour. Le directeur, pour une fois, avait renoncé à sa sieste et s'était installé près des cuisines. Ce qui ne semblait pas arranger les préparatifs en cours.
Thiriet s'échinait à faire partir un maigre feu, dans un foyer improvisé entre 4 briques. Les garçons avaient ramassé des gros escargots d'eau dans le fleuve et s'apprétaient à les faire cuire...

                                                       ils m'ont bien proposé de partager leur repas mais moi les escargots c'est pas vraiment mon truc.
Et puis tout à coup, les garçons se sont lancés des regards complices, murmures, rires, je sentais que quelque chose se préparait. "wait, Marie, wait.."
Thiriet, c'est le bricolo de la bande. Surnommé "le buffle" par sa force physique impressionnante malgré sa carrure menue, il est le Mac Gyver de l'orphelinat.  A l'aide d'un morceau de ferraille il a découpé dans une canette vide, une fenêtre sur le coté. Une page du cahier de kmer de Sokun (déjà bien sacrifié pour la cuisson des escargots) enflammée et fourrée à l'intérieur, il a fait fondre un minuscule morceau de bougie posé sur le "cul" de la canette; la bouche remplie d'eau, il a projeté l'eau sur la cire chaude, et phénomène physique alors inconnu pour moi, j'ai assisté au numéro du cracheur de feu. 
Alors bien sur, j'y ai été de ma leçon de "morale", "c'est dangereux, vous risquez de vous bruler", mais sérieux, ils étaient si fiers et si heureux de m'avoir offert ce spectacle que j'ai du manquer de conviction.
Au royaume de la débrouille, les enfants de Kien Kleang sont les rois...

lundi 22 août 2011

Dans la gaboue

A Kho Kong, il y a l'orphelinat, l'hôpital et... la mangrove.
 
ça a commencé comme ça, un chemin boueux ou le motodop a manqué plusieurs fois de verser par terre. Nous récupérant comme on pouvait, le chauffeur et moi avons vite eu les deux pieds englués dans cette boue rougeatre et collante et les jambes couvertes d'une gangue de terre. Je me suis dit que certains payaient cher pour s'enduir de boue, alors qu'ici il suffit de quelques dollars et d'un trajet en motodop !
La mangrove est une forêt du littoral des régions tropicales, elle est formée d'arbres dont le feuillage est émergé et les racines plus ou moins aériennes. Il me restait quelques heures de disponibles dans mon planning déjà bien chargé, et pour faire au plus simple j'ai choisi l'option "petit-parcours-touristique-balisé"

une baraque branlante à l'entrée où pour un dollar vous gagnez votre ticket. Un jeune garçon que je réveille visiblement de sa sieste ne parlant que le kmer, m'indique d'un geste un chemin sur pilotis. Aucun dépliant, aucune explication. Au début tout va bien, le chemin est en pierre sur une dizaine de mètres, puisse se transforme rapidement en planches mal jointes.
Je découvre très vite que le site est pratiquement à l'abandon. Pas très rassurée, seule sur ces pilotis, j'essaie malgré tout de lever le nez ou de sonder les eaux saumatres pour peut-être apercevoir des poissons, des singes, des oiseaux. Je tends l'oreille, entends quelques glous glous, quelques cuis cuis, mais je ne parviens pas à voir la moindre plume, le moindre poil, la moindre écaille...La balade est tout de même interessante. Ces arbres à demi immergés sont surprenants, dressés sur leurs maigres racines comme sur des échasses. Ils semblent danser un ballet et  je ne sais pas pourquoi je m'imagine projeter dans un film de Tim Burton.
 
Et là, non je ne rêve pas! même avec une grosse envie pipi, je crois que je préfère me retenir !

De deux choses l'une

Sopheak est une jeune femme médecin à l'hôpital de Kho Kong. Elle parle français, elle a pu faire une année de spécialisation en dermatologie à Marseille, grâce à un animateur télé français croisé au cours du tournage d'un reportage sur l'hôpital de Kho Kong.
Sopheak est l'une des belles rencontres que j'ai pu faire ici au Cambodge. 
Je ne la connaissais pas,  et pourtant durant ces 3 jours, elle m'a invité aux repas, m'a prêté son vélo, m'a laissé l'accompagner une matinée à l'hôpital. Sopheak m'a ouvert la porte de sa famille et de sa maison. Et surtout de son coeur, comme seuls les cambodgiens le font, simplement, sans tralala, sans chichis, avec le seul plaisir de partager un moment, une discussion, un fou rire. 
Dans le bus pour aller à Kho Kong, j'ai retrouvé par hasard Anne Marie, ex présidente adjointe d'Elephant Blanc. Ces rencontres"par hasard"  font partie du mystère de mes voyages en Asie, chaque année m'apporte son lot de surprises. Elle se rendait chez Sopheak pour donner des cours de français à son fils, Solid, agé de 7 ans, inscrit à l'école française de Phnom Penh. Et ici, l'amie d'une amie est forcément une amie...
 
                                                          Sopheak et sa copine, la masseuse.

Révision de langue kmer avant la rentrée scolaire le 1 septembre, dans le "salon" de la maison.

L'hôpital tout neuf de Kho Kong, jusqu'à peu de temps il était encore en bois. Peu de batiments sont réellement utilisés.



Une salle de petite chirurgie, où se trouvait un homme victime d'une vilaine morsure de serpent,

le "triage" où j'ai pu apercevoir alors que je repartais, la patiente qui attrapait le balai et faisait son petit ménage, pour s'occuper un peu, surement





 
   

 une seule chambre de pédiatrie ouverte ce jour là pour un enfant atteint de pneumonie.

un service de pathologie tuberculeuse qu'on ne me laissera pas visiter et une salle de radio, d'où sortait une femme à la cheville cassée qui refusait de se laisser mettre un platre. Elle est donc repartie boitillant et sautillant, le pied bleu et enflé.

une chambre de maternité, où 3 mamans venaient d'accoucher, l'une d'elles enveloppait déjà son bébé d'un jour et s'apprêtait à partir  avec le papa venu la chercher...en motodop!


 
bien emmitouflé, bonnet, couverture, gants, chaussettes, et ce malgré les 35° ambiant lourd d'humidité
 
malgré le rose, c'est un garçon ! j'ai bien essayé de le réveiller avec mon flash mais non, imperturbable...même pas pu le prendre dans les bras !

Le service de médecine était fermé, le bloc opératoire ne fonctionnait pas, le laboratoire était branché sur le karaoké.

Étonnamment, très peu d'activité dans cet hôpital. Avec mon expérience de celui du Vietnam où l'activité était constante et affolante, j'ai ici une impression de désaffection, comme si les murs repeints n'étaient qu'un décor pour cinéma.
Et pourtant la veille au soir, un accident avait mis en alerte les médecins hospitaliers, un chauffard ivre avait percuté trois cahutes en campagne blessant gravement une dizaine de personnes. Mais il semble que les blessés soient plutôt envoyés vers des petites "cliniques" privées dans Kho Kong.
Une polémique agitait alors ce matin là le microcosme des soignants, il était reproché à l'hôpital de ne pas avoir accueilli les victimes de cet accident. Version officielle d'un refus de soins que contestaient les médecins. Un journaliste s'étant déplacé pour l'occasion.
Les soins sont payants, même à l'hôpital public, mais il semble qu'il y ait un fond d'assistance pour les plus démunis. Tuberculose, paludisme, sida, hépatites, pneumonie, infections intestinales, accidents de la circulation sont les pathologies les plus fréquentes. Les cas les plus graves partent sur Phnom Penh ou sur la Thaïlande.
Six médecins, quelques infirmières, pas d'aides soignantes, (la profession n'existe tout simplement pas ici, ce sont les familles qui "nursent" leurs malades), un seul chirurgien, un laborantin et un manipulateur radio, le personnel  est peu nombreux, et leur compétence professionnelle reste un peu vague...
Le salaire de Sopheak de 80 dollars par mois ne lui suffit pas à faire vivre sa famille. Elle a, au centre du bourg, une échoppe ouverte de 6 h du matin jusqu'à la dernière visite possible. Elle reçoit malades et blessés. Son mari, policier (au salaire encore inférieur) est en fait bien plus habile à suturer, panser, soigner les malades qu'à dresser les contraventions aux moto dops sans casque. Ils dispensent chacun leur tour les soins, suivant leur disponibilité.





 
80 dollars/mois pour les médecins, 25 dollars/mois pour les infirmières, ai-je encore le droit de me
plaindre ?