mercredi 21 mars 2012

Souricette

Souricette, c'est le doux nom de Yolle, celui que lui donne affectueusement Anne Marie. Yolle, la souricette, le malicieux lutin de Kho Kong. 

Rappelez vous, je vous en ai déjà parlé de cette petite fille, de son hospitalisation de plusieurs mois pour une opération lourde du genou. Des semaines passées en rééducation, à réapprendre, se tenir droite,  faire un pas puis un autre,  plier sa jambe,  s'agenouiller, se relever. Yolle et son incroyable envie d'être debout, sa volonté d'avancer malgré la douleur. Après sa première intervention et jusqu'à la consolidation de ses os,  elle n'a plus le droit de sauter ni de courir, quelle contrainte pour elle,  petit feu follet bondissante et audacieuse.  Alors,  durant ses longues heures d'immobilisation,  la souricette, privée de ses entrechats, va s'acharner à étudier, le français, l'anglais, le calcul, avec Anne Marie toujours auprès d'elle.
Anne Marie lui ouvrira  grand la porte de la lumière, la nourrissant de riz, de gâteaux et de poulet mais plus encore de lectures, de savoirs, de rires et de jeux. 

Yolle à l'hôpital de Khanta Bopha

Yolle en visite à Kien Kleang en octobre 2010.

Yolle est arrivée à l'orphelinat de Kho Kong au cours de l'année 2009 avec ses deux soeurs et son frère. Ses parents, trop pauvres, ont préféré les confier à l'orphelinat. C'est ainsi au Cambodge, les orphelinats sont aussi  le lieu où les enfants ont une chance d'être nourri et scolarisé. Heang avait alors 12 ans et n'avait jamais été à l'école, Tuor présentait de nombreuses cicatrices dont on ne peut que supposer l'origine, Yolle traînait une jambe handicapée d'un genou gonflé et déformé.
 
Heang, Seiha, Huor et Yolle à leur arrivée à l'orphelinat de Koh Kong mi-2009

Les soeurs et frères ont pu manger, se laver, aller à l'école, jouer à des vrais jeux d'enfants, Yolle a pu être opéré,  a recommencé à courir et à sauter, elle a rencontré sa grande amie, Chan arrivée quelques mois après elle avec comme bagage un sac lourd d'une histoire douloureuse. Leurs parents gardaient le lien, leur rendant visite de temps en temps.
Et puis cette semaine nous avons appris que la fratrie a été rendue totalement à leurs parents, Heang et Seiha sont retournées vivre avec leur père dans la campagne de Kho Kong,  Huor et Yolle ont été emmenés par leur mère qui vit en Thaïlande, pas loin de la frontière. La raison de leur départ reste mystérieuse, les parents auraient entamé des démarches administrative pour reprendre les enfants. Le directeur de l'orphelinat de Koh Kong (si peu présent qu'on finit par l'oublier)  aurait accédé à leur demande, ouvrant le parapluie en faisant signer un document à la famille le dégageant de toute responsabilité.
On pourrait s'en réjouir, malgré la négligence, malgré les difficultés, malgré la misère, oui on pourrait se réjouir de la place retrouvée de ces enfants auprès de leurs parents.
Mais en réalité nous sommes inquiets, terriblement inquiets.
Nous ne savons rien des nouvelles conditions de vie des enfants. Rien ne nous confirme ou infirme que celles ci aient effectivement évolué depuis trois ans.
Vont-ils retourner à l'école?  Quels vont-être les liens entre les enfants partagés entre leur père et leur mère? Quel avenir pour Yolle et Huor en Thaïlande? Quel sera le quotidien des deux soeurs, l'aînée et la plus jeune à quelques kilomètres de Kho Kong? Comment va réagir Chan la grande copine, à l'absence de Yolle?
L'environnement sécurisant de l'orphelinat leur a permis de grandir, leur garantissant les soins de base et  une stabilité nécessaire à leur développement social, affectif, intellectuel et physique.
Nous espérons que ces années auront construits autour d'eux un socle solide qui leur permettra de trouver le juste équilibre. Et que souricette continue à se tenir debout.


 été 2011
Chan la grande copine

4 commentaires:

  1. Super ! Notre Souricette reste encore dans nos coeurs grace à toi, Merci pour elle et pour nous.

    Marie

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  2. Ce que tu as écrit m'a beaucoup touchée, moi qui aimait tant cette petite file que je connaissais depuis son arrivée et que je revoyais régulièrement. Je suis, moi aussi, très inquiète et j'espèere avoir des nouvelles bientôt lors de mon passage à Koh Kong...

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  3. Fin février 2012, lors de mon séjour de 3 mois au Cambodge, je suis revenue à Koh Kong voir tous les enfants et me rendre compte comment tous avaient changés.
    J'étais surtout contente de revoir entre autre Souricette avec qui des liens s'étaient créés entre nous depuis son hospitalisation et là j'apprends son départ tout comme celui de son frère et ses 2 soeurs. Quel gachis.
    Je suis inquiète également à savoir ce que va être son avenir.
    Espérons avoir de ses nouvelles très bientôt.


    .

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  4. Nous venons de rentrer du Cambodge.
    Nous avons retrouvé les 4 enfants chez leur père et nous avons pu emmener Yolle pour la journée. Les enfants vont bien et semblent heureux malgré les conditions d'hebergemnt ( baraque toute petite en tôles rouillées)Le père nous a dit qu'ils iraient tous à l'école à la rentrée. Sopeap va veiller à tout cela car elle connait bien le père mais ignorait qui il était! Cette rencontre a été pour nous un vrai bonheur et un réel soulagement!

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