samedi 2 novembre 2013

La petite dernière

Un matin, elle était là. Tout simplement. 
Srey Mi, bientôt 7 ans, a posé son sac de cailloux sur le devant de la porte et est entrée dans la chaleur du giron de nounou Srey.
Srey Mi est la petite fille de son amie. En 1979, une rencontre sur la route entre Battambang et Phnom Penh au retour de 4 ans de terreur a forgé un lien entre les fillettes d'alors,  que les années n'ont pas gommé.
Srey Mi vit dans un village à 20 kms de Phnom Penh, ses deux soeurs travaillent dans le textile on ne sait pas trop où. Sa mère est seule, usée, dépassée, malmenée, pauvre, si pauvre qu'elle a envoyé sa fille chez un voisin, et Srey Mi lave, récure, frotte, lessive. 
Alors, sa grand mère a appelé nounou Srey, au nom d'un chemin vieux de 34 ans.  
A Kien Kleang, pas d'intégration, pas d'accueil personnalisé, pas de projet individualisé, on vient, et on trouve une place. 
Entre nounou Srey et sa fille, Srey Mi a étendu sa natte, roulant en boule sa fatigue, comblant le creux de son ventre de grosses cuillères de riz qu'elle ne parvient jamais à terminer. 
Elle dit : " J'aime bien être là, aller à l'école, je suis bien ici". 
            Un matin Srey Mi était là. Tout simplement.







lundi 28 octobre 2013

Du coté de chez Sovann

Il faut d'abord prendre la Nationale 4, celle qui va de Phnom Penh à Sihanoukville. Une longue ligne droite, où se croisent et se mêlent camions et motos, lexus et tuck tuck, vélos et engins roulants non identifiés. Le trafic est incessant, la chaleur de l'asphalte donne à l'air une pesanteur moite, nous roulons depuis bientôt une heure, et la poussière dessine sur notre peau une géographie inconnue de sillons et vallées.




Nous quittons la route pour entrer dans un autre monde. Un no man's land minéral, glacé malgré le poids du soleil. Une zone économique dédiée aux usines du monde entier, textiles, cartons, engrais, désertée par ce dimanche et où s'activent en semaine des milliers d'ouvriers.  

Après quelques kilomètres, nous retrouvons cette terre ocre si caractéristique des pays d'Asie. Le chemin longe un canal creusé par les paysans des villages voisins sous le joug des khmers rouges.










Surprenant le regard, les rizières inondent le paysage de leurs vagues de verdure. Comme des sentinelles, les palmiers veillent sur ces terres, le riz est une chose trop précieuse pour le laisser au seul pouvoir des hommes.
Là commence le jardin de Sovann, son village, ou plutôt celui de sa fiancée, Chan Thorn, avec qui il se mariera en février prochain. 







Ici, s'amorce une lente remontée vers les possibles. 
                  Une pause dans le mouvement de l'horloge. 
                                  Un baume sur la brulure du temps. 












Sovann me dit 
                "c'est ici ma vie, 
                                 c'est là que je veux être". 

samedi 26 octobre 2013

ça swingue à Phnom Penh

Hier soir le centre Bophana organisait dans le cadre de la journée mondiale du patrimoine audiovisuel un après midi autour du thème "un second souffle pour le patrimoine artistique du cambodge".
Sovanda, Elodie et Thomas, ont pu y amener quelques jeunes de l'orphelinat.
En début de programme, se produisait un groupe de musique traditionnelle khmer  de l'association Cambodian living arts *. Un peu difficile à apprécier pour nos oreilles d'occidentaux, (voire limite inaudible) l'aréak, interprété lors des rituels de possession, est un style de musique quasiment disparu du Cambodge. Il fait partie de cet héritage, témoin d'une identité qui a failli à jamais disparaitre.

Mais ce que nos jeunes attendaient c'est la prestation du groupe de rock cambodgien, "The Underdogs". Accompagné de danseurs, ils ont animé la salle, au grand plaisir de nos filles, Nun Nan, Pekdaï, Samech, et Srey Neang. Ils reprenaient des chansons du répertoire khmer de 1960 à 1970, période à laquelle le Cambodge connut un développement culturel et artistique important. Décalé, et même un peu kitch, il faut, pour en comprendre le sens, connaitre la grande passion des cambodgiens pour tous les arts en général, musique, danse, peinture.  Pas une maison où ne résonnent quelques notes, do ré mi fa sol la si do, (le solfège issu du français  est d'ailleurs toujours exprimé en français), pas un bar où ne s'échappe une mélodie chantée, pas une famille sans son peintre ou son danseur, les cambodgiens sont tout simplement de vrais artistes. Intuitifs, inventifs, tous brûlent du feu ardent de la création.




Retour à l'orphelinat en tuck tuck...
 * Cambodian living arts :
http://www.cambodianlivingarts.org/about-us/history/our-story/

vendredi 25 octobre 2013

Et maintenant ?


Ils étaient encore très nombreux ce matin à arpenter la rue 51, qui traverse Phnom Penh du Wat Phnom à la place de l'indépendance. Des milliers de marcheurs se sont rendus pacifiquement depuis deux jours dans les ambassades, hier la Grande Bretagne, les Etats Unis, et la France (malgré l'empressement de notre gouvernement à féliciter le "toujours-nouveau-ancien" premier ministre cambodgien). Tous signataires des accords de Paris du 23 octobre 1991. Aujourd'hui celles d'Australie, de Russie, du Japon, d'Indonésie et de Chine. Les manifestants étaient porteurs d'une pétition, (qui aurait rassemblé plus de deux millions de signatures), réclamant la mise en place d'une commission indépendante chargée de contrôler les résultats des dernières élections.
En attendant les députés élus de l'opposition refusent de siéger au parlement ce qui rend difficile l'exercice du pouvoir.

Depuis trois jours plane sur Phnom Penh un vent d'espoir, et maintenant ? 
                                  

Encore de l'info:
http://www.cambodge-post.com/forte-participation-au-dernier-jour-de-la-manifestation-de-lopposition/

jeudi 24 octobre 2013

De retour

Après d'âpres négociations, nous sommes parvenus à réintégrer Gneup à Kien Kleang. En charge du pavillon des filles et essentiellement de Chany et Chana, elle avait été durement chassée lors de l'avènement du règne de monsieur cornichon, en septembre dernier.
La voilà de retour, les yeux gonflés de larmes, par la joie de retrouver les enfants, et le chagrin d'avoir laissé son fils, Raksmay, à SokSabay. 
Gneup a fait seule le choix de revenir à Kien Kleang et celui de permettre à Raksmay de rester dans l'association qui les a hébergé durant deux mois. Elle offre ainsi à son fils une meilleure chance de grandir dans un environnement sécurisé, où le suivi scolaire et médical des enfants est rigoureux et l'accompagnement soutenu. 

Gneup a vite retrouvé son rôle de vigie de la petite bibliothèque, lui redonnant ses couleurs et sa belle lumière. 
Bon retour parmi nous, Gneup ! 

mercredi 23 octobre 2013

Imagine

Une très belle vidéo de Jean François Perigois * sur la marche du 23 octobre à Phnom Penh.

Une petite explication sur la signification du chiffre 7 montré par les manifestants à plusieurs reprises: il s'agit du chiffre attribué au parti de l'opposition, lors de la préparation du scrutin du 28 juillet dernier. Le 7 est considéré comme apportant la chance.

*Pour découvrir le talent de Jean François Perigois:
http://jeanfrancoisperigois.com/

En marche

Un pouvoir usé, une corruption endémique, des élections sujettes à polémique, des riches de plus en plus riches, des pauvres toujours aussi pauvres, l'accès à l'éducation, à la santé, à la justice qui se paie en dollars, des jeunes de plus en plus nombreux, (32 % de la population ont moins de 15 ans, l'âge médian est de 23,7 ans), l'aspiration à plus de démocratie et d'égalité, l'explosion d'internet et des réseaux sociaux, les khmers ont de multiples raisons de descendre dans la rue. 
Je n'ai pas la prétention d'expliquer en quelques lignes la situation politique du Cambodge d'aujourd'hui, je vous renvoie aux articles parus dans les quelques médias qui veulent bien s'y s'intéresser.
La foule était immense cet après midi, et je crois bien que de mémoire de manifestante aguerrie, je n'ai jamais vu tant de monde en marche. 
La police s'est faite discrète, l'armée s'est postée quelque part sur Koch Pich, petite île sur le Mékong, en attente des évènements. 
Le cortège est joyeux et empreint de gravité, l'espérance est palpable, l'air chargé de senteurs au baume du tigre parait plus léger tout à coup...il y aura un nouveau jour.  









Ouvrières du textile qui revendiquent un salaire décent à 150 dollars quand elles en gagnent 70 dans des conditions de travail indignes pour alimenter les rayons de Gap, HM, ou Nike.







La sono de la manif
Quelques infos:

http://www.cambodge-post.com/coup-denvoi-de-trois-jours-de-manifestation-pour-lopposition-cambodgienne/