Au tout début était le papillon, ou bien au tout début était le ver à soie, éternelle histoire de la poule et de l'oeuf. Un éphémère papillon nommé Bombyx, un ver qui s'enferme dans son cocon s'imaginant à l'abri des regards. Il ne pouvait pas imaginer qu'un jour, plus de deux mille ans avant J.C, une princesse chinoise allait le déloger de son abri temporaire. Voulant retirer un cocon tombé dans sa tasse de thé fumant elle se met à dévider le précieux fil, découvrant ainsi la soie.
Enfin c'est ce que dit la légende...
Reprenons donc...le fil: un ver, qu'il faut spécifiquement alimenté trois fois par jour en feuilles de mûriers fraîches, un cocon qu'on laisse exposé au soleil 2 jours pour faire mourir le futur papillon. Et l'affaire est faite...enfin pas vraiment.
Reste à ébouillanter une première fois le cocon pour en extraire les 100 mètres de fil extérieur qui donneront la soie dite sauvage, puis une deuxième fois pour tirer les 300 mètres de fil intérieur procurant la soie dite fine. Hé oui ! Impressionnant, le cocon est constitué de 400 mètres de fil ! mais tellement fin fin fin qu'il faut associer 45 cocons pour constituer un seul fil.
Teindre en utilisant végétaux ou chimie, mettre en bobine, tisser, le travail artisanal de la soie est minutieux, rigoureux et long, très long. Jusqu'à 2 journées de travail pour 1 mètre de tissu, mais pour une étoffe en damier, "l'ikat" * cela peut prendre jusqu'à 6 mois.
Ici au Cambodge, sont encore utilisés des procédés traditionnels pour produire une soie de qualité faite à la main. Tradition qui a bien failli disparaître totalement lors de la noire histoire des khmers rouges. Seules quelques vieilles femmes détentrices du savoir faire ancestral ont permis la survivance de cet héritage, le transmettant de fil en aiguille à la nouvelle génération...
Visite à la magnanerie et atelier de fabrication de la soie de l'association "les artisans d'Angkor"*
A table les vers !
Les femmes nourrissent les vers matin, midi et soir. Les feuilles de mûriers doivent être fraîches, elles sont hachés, et viennent remplacer les anciennes mâchouillées du repas précédent.
Les cocons sont prêts, 80% seront utilisés à la fabrication de la soie, les 20% restant amenés à maturité pour renouveler le cheptel des bombyx.
Les cocons après deux jours à bronzer au soleil, sont plongés par poignet de 45 environ successivement dans deux court bouillon pour en extraire les 400 mètres de fil.
Les fils sont mis en bobine après le passage à la teinture
La soie sauvage est triée, épurée de ses résidus, en réalité, cette première soie est rêche et va servir aux drapés des jupes traditionnelles khmers.
La préparation du tissage, à quatre mains, mise en place de la chaîne (les fils verticaux) et de la trame (les fils horizontaux).
Les franges des tissus sont roulées à la main sur le mollet.
Le tissage à l'ancienne, ne jamais au grand jamais, mélanger l'ordre précis des canettes de fil, les femmes possédant dans leur seule mémoire le schéma précis de leur dessin.
* Les artisans d'Angkor
https://fr.wikipedia.org/wiki/Artisans_d%27Angkor
*Ikat est un procédé de teinture et de tissage dans lequel le dessin est crée en teignant d'abord le fil de la trame ou de la chaîne, de toutes les couleurs qui vont y figurer, à des intervalles très précis, de sorte qu'au moment du tissage les éléments du dessin se créent par la juxtaposition des parties du fil de la couleur appropriée par exemple 5 ou 6 points jaunes de 2 millimètres, à un mètre de distance l'un de l'autre sur la longueur du fil, viennent l'un au dessus de l'autre au moment du tissage pour former l'oeil d'un oiseau et ainsi de suite. En teignant le fil, les parties qu'on veut préserver d'une couleur sont cachées par un fil qu'on noue sur le fil de la trame. On plonge ensuite le fil dans la teinture et on recommence pour chaque teinte.
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