mardi 22 octobre 2013

Bophana

Bophana, c'est le nom d'une jeune femme, belle, passionnée, qui résista à la folie meurtrière des khmers rouges avec pour arme un stylo et du papier. En continuant à écrire des lettres d'amour à son mari, malgré les menaces et les tortures. Détenus au S21 ils furent tous les deux exécutés pour le seul crime de s'être aimés.
Bophana est devenue le symbole de la résistance, lumière vacillante au loin d'un interminable cauchemar de 3 ans, 8 mois et 20 jours.

Le centre Bophana de Phnom Penh s'ouvre en 2005. Il naît d'une longue gestation, commencée au début des années 1990, lorsque le grand cinéaste Rithy Panh prend conscience de l'extrême dépouillement du patrimoine audiovisuel de son pays. Les archives sont mortes ou moribondes, la mémoire audiovisuel du Cambodge est comme un trou béant, rayée de l'histoire d'un trait de sang. Le cinéaste Leu Pannakar, est alors responsable de la direction du cinéma au ministère de la culture et tous deux vont s'activer pour redonner vie à l'histoire, à travers ce qu'il reste de l'héritage rescapé de l'enfer.
Depuis, le centre Bophana récolte et rassemble, images, sons, photos, livres, films. 
Avec pour vocation trois objectifs: 
sauver et faire vivre la mémoire d'hier et d'aujourd'hui,  
            former des jeunes aux métiers de l'audiovisuel, 
                 promouvoir les réalisations khmers et étrangères. 
Le centre est ouvert à toutes et à tous, gratuit, accueillant, pourvus de nombreux ordinateurs, d'une bibliothèque, on s'y installe pour quelques heures ou une journée à la recherche du temps perdu. 
Cet après midi, j'ai accompagné nounou Srey dans ce lieu de murmures. 
Nous avons passé l'après midi à visionner d'anciens reportages.
Année 1928, un Cambodge noir et blanc, lissé et muet. Année 1954, les balbutiements d'une indépendance en devenir. 
Année 1975, 17 avril, Phnom Penh est exsangue, en une nuit les habitants sont évacués de la ville,  30 avril, Saïgon capitule, le Vietnam est réunifié. Au  Liban c'est le début d'une guerre fratricide. (En France, Simone Veil fait passer sa loi autorisant l'IVG,  j'ai 16 ans, j'écoute Alice Cooper et Patti Smith et refait le monde en jouant au flipper).
Année 1977, la propagande des khmers rouges s'affiche. Pellicules vacillantes de paysans en ligne interminable, d'enfants en ombre chantant la gloire de l'Ankar, utopie délirante, derrière les bouches qui sourient, la douleur des regards.
Année 1990, nuit et sang, chaque jour des femmes, des enfants, des hommes sont mutilés par les mines enterrées par milliers dans les rizières, les forêts et les champs. (Je vis dans un pays où mes enfants jouent à cache cache dans les parcs sans risquer de perdre à jamais leurs jambes, leurs bras, leurs vies).
Année 1991, 25 octobre, les accords de Paris, visent à mettre fin à une guerre qui ne se dit pas. Les khmers rouges, sous la pression de la communauté internationale, sont assis à la table des négociations au coté de leurs victimes. 
Commence alors pour le Cambodge le lent retour à l'humanité.
Bophana est un bel endroit, où revivent les images cachés, retrouvés, restaurés, valeur inestimable d'un passé reconnu. 

Pour tout savoir:

http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/10/03/rithy-panh-retrouve-la-memoire-du-cambodge_3489506_3246.html

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