dimanche 11 septembre 2011

Il s'est mis à pleuvoir

Sopheak a 16 ans, il fait partie du groupe de nounou Srey, discret, silencieux, prévenant, il est le meilleur dessinateur et le plus doué des musiciens de Kien Kleang. Sopheak ne voit rien, ou si peu.
En dépit des ombres qui envahissent son regard, il trouve toujours la bonne couleur et trace le trait juste, minutieusement, patiemment. Arrivé à l'âge de 5 ans à l'orphelinat, il a eu, un temps des lunettes, mais il ne les utilise plus depuis quelques années.
L'an dernier, nous avions cherché avec Emma, une consultation d'ophtalmologie pour lui, la réponse avait tardé, je suis rentrée et Emma a poursuivi sa route.
Cette année, avec Eléna, professeur d'art, en admiration devant les dessins de Sopheak, nous avons à nouveau cherché un ophtalmo, un vrai, pour Sopheak.
A l'hopital Calmette, une équipe de médecins français était présent et nous avons pu l'accompagner à la consultation, un après midi.
Le verdict est terrible, Sopheak est atteint d'une pathologie grave de la rétine, irréversible, peut être évolutive. Pour en connaitre l'origine, il faudrait des analyses complémentaires, type scanner ou IRM. En France, de tels examens seraient prescrits, par simple curiosité intellectuelle et pour suivre l'évolution. Ici, il n'y a aucun intérêt à se lancer dans des examens couteux. C'est ce que nous a dit le médecin. Car il n'y a rien à faire, pas de traitement, pas d'opération, pas de port de lunettes. Savoir pourquoi? Prévoir le lendemain? Quel intérêt pour Sopheak ? 
J'ai demandé à l'interprète kmer présent à la consultation de traduire, parce que moi j'avais vraiment envie de pleurer.
Il lui a patiemment expliqué, l'atteinte de la rétine, l'absence de traitement, et pourquoi les lunettes ne serviraient à rien. Ce n'est pas "l'appareil photo" qui est endommagé mais la "pellicule" à l'intérieur, alors même en mettant un nouvel objectif grossissant, la photo sera toujours mauvaise. Il lui a parlé longtemps et moi j'avais toujours envie de pleurer.
Nounou Srey était venue avec nous, et j'ai bien vu qu'elle aussi était triste. On est ressorti de Calmette, je n'ai rien pu dire, je n'ai pas su trouver les mots. Y'a -t-il des mots pour consoler de l'absence d'espoir ?
En montant dans le tuck tuck qui le ramenait à l'orphelinat, il m'a murmuré " Tank you, Marie".
Et depuis des jours qu'il n'avait pas plu, il s'est mis à pleuvoir, une pluie fine et pénétrante, pas la grosse averse de mousson, non, juste comme si le ciel aussi avait du chagrin.











 Mais tu as raison, Eléna, il y a forcément quelque chose à faire pour que Sopheak trouve son chemin. Même dans l'obscurité.

2 commentaires:

  1. je suis triste aussi pour lui, j'espère que ça n'évoluera pas trop vite et qu'il aura le temps de faire encore longtemps ses magnifiques dessins... fais lui un énorme bisou ! Babeth

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  2. Le premier jour de ma venue, lorsque l'on nous a fait visiter les orphelinats... Un garçon c approché de moi et m'a donné un très beau dessin, c'était Sopheak... Aujourd'hui je garde ce dessin dans ma chambre, il m'avait déjà beaucoup touché... Isabelle

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