dimanche 5 septembre 2010
Le pêcheur et le gamin des rues
Trois heures du matin, le pêcheur et le gamin des rues hantent mon sommeil et je sais que je ne dormirais pas cette nuit.
"Titte" habite dans la rue qui jouxte l'orphelinat, bordée de cahutes en bois ou en toles, faites de bric et de broc, sans électricité, sans eau. Elle a 4 ans.
Elle loge avec ses parents et son frêre dans une pièce, et comme tous les hommes de cette rue, son père est pêcheur dans le Tonlé Sap. Ce fleuve qui longe les maisons de la rue, les nourrit, les lave, leur fournit l'eau pour les repas et mais surtout les infecte et les rend malade.
Il ne gagne même pas de quoi acheter le kilo de riz par jour nécessaire pour nourrir sa famille.
Hier matin, Aline trouve Titte au bord du fleuve et me l'amène à l'infirmerie. Les cheveux rasés, des croutes surinfectées sur le crane, de vilaines plaies aux jambes, elle est prostrée dans un silence douloureux. D'un passage quelques jours auparavant à l'hôpital, son père nous raconte que les infirmiers lui ont rasé les cheveux, ont donné une poudre pour 2 jours à mettre sur sa tête et que maintenant il n'a plus de traitement, plus d'argent. Là bas à l'hopital on doit payer un peu, comme ça, en dessous de table pour être soigné, les infirmiers sont si pauvres aussi. Et puis il faut faire la queue dès 4 heures du matin et ils lui ont dit qu'il ne fallait pas revenir maintenant.
Titte va à l'école mais sa maitresse ne veut plus d'elle, elle doit savoir combien c'est contagieux, et puis Titte est si triste.
Je la prends par la main, la rassure, l'emmene prendre une douche ( il faut savoir qu'à l'orphelinat, la douche est en réalité un réservoir d'eau où l'on puise avec un bol pour s'asperger ensuite, et un maigre robinet), la conduit à l'infirmerie, la soigne en bétadinant largement son crane puis en appliquant de généreuses couches de vaseline.
Elle ne lache pas son papa du regard. Aline appelle une amie médecin qui prescrit anti histaminique et antibiotique que par chance nous avons à l'infirmerie. Dosage adulte qu'il faut convertir, en coupant les comprimés en 4. Un t shirt et un short propres, une paire de tongs neuve en réserve de l'association et enfin une ébauche de sourire...
Titte est revenue ce matin, un large sourire aux lèvres...Elle n'a plus peur et son papa nous dit que le traitement d'hier l'a soulagé. Nous avions préparé un sac avec des vêtements, des cahiers et des stylos, des crayons de couleur, un oreiller et... 10 kgs de riz.
Titte m'a suivi à la salle de bains puis à l'infirmerie, se laissant soigner en serrant bien fort ses crayons dans la main.
Elle reviendra aujourd'hui et les jours suivants...
première "douche" de Tite, elle qui ne se lave que dans le fleuve
et même une serviette toute douce...
Titte et son papa, enfin un sourire...
Nous avons croisé Aprign par hasard du coté du marché central en fin d'après midi, nous étions partis pour acheter un frigidaire et un filtre à eau pour l'orphelinat, ( prochain post) Aline, Jean Luc son mari et Anne Marie bénévole et vice presidente de l'association qui vit depuis 2 ans au Cambodge.
Au détour d'une rue, nous apercevons un jeune garçon mendiant sur le trottoir comme de nombreux enfants à Phnom Penh, mais ce jeune a une broche dans sa jambe et un petit sac plastique emplit de colle qu'il sniffe, les yeux hagards. Aline se fige car elle reconnait un enfant qu'elle a suivi dans le cadre de ses interventions au centre de détention pour mineurs de Chom Chau. Ce centre est fermé pour réfection depuis 6 mois et les jeunes étaient sensés être dispersés dans différents établissements.
Aprign est là, assis sur le trottoir, déjà dans un autre monde, sa jambe embrochée gonflée d'oedème. La marchande de riz où Aline achète un plat pour Aprign nous dit qu'il s'est sauvé de l'hôpital et qu'il vit là dans la rue.
Déjà handicapé d'un bras suite à un premier accident, il semble qu'il ait été victime d'un nouvel accident qu'il lui a broyé la jambe.
Nous restons totalement démunis, sinon de lui fournir un repas pour ce jour, nous passons la soirée à réfléchir sur les solutions possibles. Le Cambodge est le pays où il y a le plus d'ONG qui travaillent, mais curieusement peu agissent directement pour héberger les enfants des rues comme il peut exister en Amérique du Sud ou en Egypte par exemple.
Les services sociaux sont inexistants, l'hôpital coute cher, et jamais ici nous ne pouvons intervenir dans l'urgence.
Dès ce matin, nous essaierons de contacter le responsable du centre de détention pour savoir de quelle façon agir le mieux.
Comment se rendormir après ...
Aprign au centre de détention pour mineurs de Chom Chau
Aprign dans la rue, son sac plastique à sniffer la colle à la main, ses broches à la jambe.
Ps: plus de photos et d'infos ici: http://actionsaidescambodge.unblog.fr/
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Coucou ma maman,
RépondreSupprimerJe vais te mettre en contact avec la plus prometteuse des élèves infirmières qui voudrait en savoir plus sur l'association et la possibilité pour elle de venir au Cambodge apporté de son temps et de ses sourires.
Trop n'est pas un mot courant je pense pour ces jeunes, qui ont le même age que moi, mais qui n'ont pas eu la chance que j'ai.
Un milliard de bisous,
Je t'aime !
Ta fille.