jeudi 16 septembre 2010

On ne marche jamais en vain....

(la joie de nounou Srey lors des retrouvailles avec Félix et Berbine)

(le "pavillon" où logent nounou Srey et Srey Kéo, elles ont une simple chambre, qui fait office de cuisine et de minuscule salle télé, ouverte sur le dortoir des 20 jeunes garçons, dont elle a la charge)

(avec les puces, Chany et Chana)

(l'épluchage des liserons d'eau, un peu d'épinards mais sans le beurre...)

(nounou Srey et sa fille Srey Kéo)

"On ne marche jamais en vain, on se rencontre et on ne se quitte pas de l'âme, on se rencontre, les frêres nous viennent tôt ou tard" *
Comment parler de Kien Kleang sans évoquer l' attachante nounou Srey ?
Nounou Srey, c'est l'âme de Kien Kleang. Son humanité, sa joie de vivre, son rire éclatant, sa générosité et sa compassion, son insastiable soif d'apprendre sont pour les enfants et les plus grands, un vrai baume pour avancer, continuer, grandir.

Arrivée à Kien Kleang en 1979, âgée de 10 ans, elle était seule et avait les mains vides. Cet ancien couvent avait été déserté au moment de l'entrée à Phnom Penh des kmers rouges et s'était transformé en orphelinat, il n'y avait alors qu'une vingtaine d'enfants.

Née en 1969, elle vivait près de Phnom Penh, sur l'île de la soie, Kho Dach, nommée ainsi à cause des nombreux artisans tissant la soie. De son père, elle se souvient qu'il était infirmier et artiste peintre avec un certain talent, sa mère s' occupait de la maison et de ses 2 soeurs et un frêre. Elle n'a rien pu conserver d'eux.

A l'arrivée au pouvoir des kmers rouges, la famille fut déportée dans la province de Battambang. Elle n'est alors qu'une enfant de 6 ans, deuxième de la fratrie.
Elle sera la seule survivante de cette sombre période, ses parents et ses soeurs épuisés sont morts de faim, son frêre fut tué.
En 1979, l'entrée de l'armée vietnamienne au Cambodge met fin à 4 ans d'horreur. Nounou Srey a tout juste 9 ans, elle décide alors de retourner dans son village. De Battambang, elle marchera pendant 2 mois pour parcourir les 300 kms qui la ramène chez elle. Lorsqu'elle parvient à son village, le chef du village l'accompagne à l'orphelinat de Kien Kleang qui vient d'ouvrir ses portes.
Elle va grandir là, dans un total dénuement. Le Cambodge est à genoux, occupé par les vietnamiens, isolé par la communauté internationale, le pays est entièrement à reconstruire. Des milliers de personnes sont sur les routes, 1,4 millions de cambodgiens sont morts, soit près d'1/3 de la population. Il n'y a plus d'écoles, ni d'hôpitaux, plus de construction, ni de justice, mais surtout il n'y a plus de professeurs, ni de médecins, plus d'ingénieurs, ni de juges, c'est l'anéantissement total de la structure même de la société cambdogienne.
Et les kmers rouges sèment encore la terreur dans les zones frontalières de la Thaïlande, avec l'appui de l'ONU et le soutien logistique des pays occidentaux.
Mais nounou Srey va apprendre, nourrit de sa formidable volonté de vivre. D'orpheline, elle devient nounou pour les enfants qui continuent d'arriver par vagues.
En 1995, elle quitte l'orphelinat pour se marier et vivre à Phnom Penh avec un fonctionnaire d'état. Son mari meurt en 1999 d'un accident de la route, elle retourne alors avec sa fille Srey Kéo vivre là où elle avait déjà trouvé refuge, à Kien Kleang, payée à 50 dollars par mois, elle veille jour et nuit, chaque jour de l'année, sur le pavillon des jeunes garçons. Mais elle est aussi la "nounou" de tous, les grands et les petits.
Chaque matin, dès les corvées terminées, elle file à la bibliothèque armée de son dictionnaire kmer/anglais et révise ses cours qu'elle prend tous les soirs avec les grands.
Elle parle un très bon anglais, et avec les bénévoles de l'association, elle a acquis une vraie connaissance du français et réussit même à me prendre en défaut sur des questions de vocabulaire et de conjugaison.
Elle s'inquiète pour Srey Kéo, à qui elle voudrait pouvoir offrir les études dont elle aura envie, mais ici les écoles sont payantes et les universités coutent très chères.
Alors elle rêve de trouver un vrai travail hors de l'orphelinat, pour avoir un espace et un temps à elle, pour permettre à sa fille de choisir sa vie.
Elle rêve, toujours, d'un ailleurs possible...

* Phrase extraite du livret qui accompagne le CD "Umani" de I Muvrini

2 commentaires:

  1. Quelle merveilleuse nounou vous avez l'air d'avoir et quel bel exemple de tenacité je lui tire mon chapeau d'avoir persévérer dans la vie malgré toutes les difficultés de sa vie, je lui souhaite de tout coeur que son rêve se réalise pour qu'elle puisse offrir à sa fille une meilleure vie.Ma petite Marie je voie que l'orphelinat a beaucoup besoin de personnes comme vous pour apporter un peu de bien être à tous ces enfants et de leur donner un peu d'amour.
    Moi je m'envole dimanche pour la Turquie mais j'éspère bien de retrouver plein de tes récits à mon retour,je pense trés souvent à toi même si tu me lis pas souvent
    Bisous Yolande

    RépondreSupprimer
  2. Bon alors avouons, non nounou Srey n'a pas TOUJOURS le sourire...Le seul moment où elle fronce les sourcils, c'est lorsque, concentrée elle réfléchit à une traduction ou qu'elle cherche un mot d'anglais ou de français...
    Ha aussi quand elle cuisine des spaghettis ! car elle ne veut surtout pas dépasser le stade de "al dente". Souvenirs des bénévoles précédents qui l'ont initié aux spaghettis, elle en raffole, mais ici ça coute cher, alors on lui a remis son stock à niveau...

    RépondreSupprimer